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ALEXANDRE DOUBLET

Alexandre Doublet – Crédit Olivier Lovey

Second artiste associé à l’Usine à Gaz, Alexandre Doublet y travaillera pour une durée de trois saisons, dès la saison 2023-2024. Au cours d’une brève discussion, il présente ses envies et objectifs.  

Pourquoi avoir accepté de devenir artiste associé à l’Usine à Gaz ? 

Ce que je souhaite défendre, en tant qu’artiste associé, est la durabilité. L’idée de ne pas créer des spectacles “jetables », de travailler au long cours et d’avoir le temps de s’améliorer, de réfléchir et de réajuster.

Ce qui m’a intéressé dans la proposition de Karine [Grasset, directrice de l’Usine à Gaz] est l’idée même de dialogue. Dialogue avec le lieu, les différents espaces qui structurent la vie du lieu. Dialogue avec l’équipe, les spectateurices, les personnes qui font vivre ces espaces, les traversent. Dialogue avec le territoire, les voisin·e·s, les écoles, les bibliothèques, les musées, les EMS, les prisons, etc. L’Usine à Gaz est un établissement animé d’une énergie neuve, porteuse, beaucoup de choses sont encore possible. Le dialogue, l’exigence du dialogue est un point de départ intéressant pour se mettre en relation avec les autres. 

Être artiste associé c’est également pouvoir développer un projet au long cours. Pour moi, c’est écrire Fresque. Ce projet je le porte depuis quelques années mais les réalités et les contraintes de production actuelles ne me permettaient pas de l’envisager sereinement. La durabilité de la relation avec une institution telle que l’Usine à Gaz, donne du temps et une certaine forme de « rassurement ». Une sorte de toit où se mettre à l’abri lorsque les intempéries menaces. 

Parle nous de ton projet  

J’aime les histoires, les épopées, les plongées. J’aime les sagas où l’on perd la notion du temps, les histoires chorales où une multitude de personnages se croisent sans se connaître. Grâce à l’Usine à Gaz et à la Convention de subventionnement du Canton de Vaud, je vais m’engager dans la création d’une fresque contemporaine. Pendant trois ans, je vais m’inspirer de témoignages réels, souvent découverts via des podcasts, comme par exemple ceux de l’émission de radio (Les pieds sur Terre, France Culture). Chaque année, je m’inspirerai de cette parole vraie, parlée, pour la transformer en texte théâtral. Chaque année, je mettrai en lecture deux ou trois récits originaux et à la fin de ces trois années à l’Usine à Gaz, je réunirai tous ces récits pour en faire un spectacle intitulé Fresque

Fresque sera une galerie de récits de vie, transpercée par les questions sociales et les bouleversements qui touchent nos sociétés contemporaines. Pour éviter comme l’écrit Annie Ernaux “que le silence recouvre ce qui a eu lieu“. Par le « je », la relation humaine entre les interprètes porteureuses d’une histoire “spéciale“ et les spectateurices désireureuses de recevoir cette histoire-là sera au centre de tout. Ce qui m’intéresse est de raconter un certain état du monde à travers ce « je ».

Pour cette première saison, je vais travailler sur deux récits. Le premier s’inspire du podcast intitulé Ex-Ologie une vie de célibataire de Adila Bennedjaï-Zou ; le second s’inspire du podcast intitulé Des Hommes Violents de Mathieu Palain. Dans le premier, la narratrice retourne voir les hommes qu’elle a aimés ; dans le second, le narrateur s’immerge au côté d’hommes condamnés par la justice pour violences conjugales.

Que penses-tu, en tant qu’artiste, apporter à l’Usine à Gaz ? 

Pendant ces trois années, je veux continuer à proposer des lectures mobiles, durables, légères techniquement et capables de s’adapter à tous les types d’espaces. Je souhaite que nous puissions partager ces récits avec le plus grands nombre, jouer pour des spectateurices qui ne peuvent plus sortir, aller au théâtre, les EMS, les prisons, les écoles, etc. Jouer dans des lieux où l’architecture, le cadre ou l’histoire nous permettent de les regarder sous un autre angle (les musées, les temples, les commerces, etc). Enfin, aller chez les gens, celles et ceux qui vivent autour de l’Usine à Gaz, chez les Nyonnais·e·s, les vaudois·e·s, aller chez qui nous invite et bien au-delà qui sait ! 

Aller vers, c’est aller à la rencontre. Dans cette proximité-là, le dialogue s’installe toujours. À ce titre, être artiste associé permet de proposer un pas de côté, des spectacles à d’autres horaires, dans d’autres espaces, et de proposer un projet qui évolue au fil des saisons, peut-être dans un format plus court puisque ces lectures dureront 1 heure maximum. Aller vers les gens pour échanger avec les spectateurices avant et après, les reconnaitre lecture après lecture, les voir prendre le relais. Nous accueillir chez eux·elles ou chez des ami.e.s, ou dans des espaces inimaginables. Pour moi, c’est aussi ça le lieu et l’action du théâtre : ça provoque de la pensée, de la parole, de l’engagement, des relations. Je crois qu’on en a besoin, aujourd’hui plus que jamais. 

Le théâtre est une rencontre entre les êtres humains. Être artiste associé permet de créer une forme de lien durable avec les gens, et d’ouvrir un dialogue (on y revient !), y compris critique, et laisser l’opportunité qu’un·e spectateurice vienne me dire “Ça, ça ne m’a pas plu du tout“ et qu’elle est la place de le dire. Et puis, je dirai que si à la fin de ces trois ans pour les représentations du spectacle Fresque, nous réussissons à faire venir à l’Usine à Gaz toutes ces personnes rencontrées au grès de nos lectures mobiles, j’en serai très heureux et très fier aussi.